Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/237

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collectionneur. Il marchait le premier maintenant, jaloux de montrer la route. Comme il arrive dans ces grandes demeures Italiennes, les pièces d’habitation étaient aussi petites que les salles de réception étaient vastes et magnifiques. Le prince vivait ainsi, lorsqu’il était seul, dans quatre chambres étriquées et dont le mobilier sommaire attestait le stoïcisme physique du vieillard, grisé de chimères, indifférent au bien-être comme à la vanité. Mais sur les murs étaient placés les quelques fragments qui composaient son vrai musée, — vingt ou vingt-cinq, pas plus. — Au premier regard, cette collection Fregoso, célèbre dans les deux mondes, était constituée par des débris informes et d’une rudesse de facture qui devait produire sur tout ignorant l’impression qu’ils avaient produite sur Corancez. À force d’étudier l’art antique, Fregoso en était arrivé à n’aimer plus que les marbres d’avant Phidias, ces reliques du vie siècle, où palpite, où se révèle toute la Grèce primitive et héroïque, celle qui arrêta l’invasion d’Asie par la seule vertu de l’élite, de la race supérieure, mise en présence des races inférieures et de leurs hordes innombrables. Devenu le plus passionné des archéologues, après avoir été le plus actif des conspirateurs, le grand seigneur Génois habitait parmi les dieux et les héros de cette Hellade lointaine, comme s’il eût été un contemporain du célèbre soldat sculpté sur la stèle d’Aristion. À peine le dernier de ses invités eut-il passé le seuil de la première pièce qui lui servait d’ordinaire