Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/26

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frère, le comte Alvise Navagero. Ce personnage, énigmatique et dangereux sous une ridicule livrée de snob, entendait bien garder pour son usage exclusif les millions de feu son beau-frère, Francesco Bonaccorsi. Comment la rouerie Provençale avait-elle eu raison de la méfiance Vénitienne ? Encore aujourd’hui, et quoique l’événement ait mis dans une pleine lumière ce dédale de combinaisons, les vieux habitués de cinq heures au Cercle nautique de Cannes s’avouent incapables de résoudre ce problème, tant l’ingénieux Corancez déploya d’astuce à creuser la mine sans que personne pût même imaginer ce travail souterrain. Quatre petits mois y avaient suffi cependant. À travers un long et violent combat intime de ses sentiments et de ses scrupules, de sa passion et de sa timidité, la marquise Andriana en était arrivée à discuter comme possible cette idée d’un mariage secret, puis à l’accepter… Merveilleuse idée ; et dont Corancez pouvait se féliciter comme d’un coup de maître ! Ce projet avait pour lui d’être extraordinaire d’abord, et de remuer dans l’âme de l’Italienne la corde profonde du romanesque. Il offrait un infaillible moyen de concilier les exigences de l’amour que l’adroit Méridional avait su inspirer et les exigences de la dévotion. Il donnait à Corancez une belle allure de désintéressement, puisqu’un mariage purement religieux ne lui assurait aucun droit légal. Peut-être aussi Andriana n’était-elle pas fâchée de se comporter comme venait de faire, à