Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/34

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— « Je pourrais vous donner en cent à le deviner, » reprit Corancez, « et vous ne trouveriez pas… Tranquillisez-vous, votre curiosité va être satisfaite. Ce n’est pas un secret qui m’ait été confié. Je l’ai dépisté à moi tout seul, en sorte que je ne suis pas tenu au mystère. Eh bien ! le sympathique cher garçon s’est tout simplement avisé d’aller choisir, pour en devenir amoureux comme une bête, non, comme un ange, notre belle amie Mme de Carlsberg, notre baronne Ely en personne… Elle est à Monte-Carlo depuis huit jours chez Mme Brion, comme vous savez, et le pauvre Hautefeuille n’a pas pu y tenir. Il a voulu la revoir sans qu’elle le sût. Il a dû errer tout autour de la villa Brion en attendant qu’elle sortît. Regardez la poussière de ses escarpins et le bas de son pantalon… Puis, comme on lui aura dit à Cannes que la baronne passe toutes ses soirées à jouer, il est venu ici. Il n’a pas su la découvrir dans cette foule… Et voilà comment nous aimons, nous autres Français… » ajouta-t-il en regardant la marquise, « quand nous aimons… »

— « Et la baronne ? » demanda l’Italienne.

— « Vous voulez savoir si la baronne l’aime ou ne l’aime pas ? » continua Corancez. « Heureusement que vous croyez aux mains, vous et miss Flossie, car je n’ai pour vous répondre que mon petit talent comme diseur de bonne aventure… Cela vous amuse ? Eh bien ! » continua-t-il sur un signe affirmatif des deux femmes, avec cet air si à lui, tout mêlé de sérieux et de mystification, « la