Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/36

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« croyez que je réponds de sa discrétion. Nous nous sommes connus tout jeunes, Hautefeuille et moi. C’est un personnage des anciens temps, — je vous conterai cela un autre jour, — avec un château dans le Puy-de-Dôme où il vit presque toute l’année, une mère et un père qui ne lui ont pas laissé prendre de carrière pour qu’il ne serve pas la République. Une terre en Auvergne et un hôtel rue de l’Université, ça lui fait deux provinces ! Comment papa et maman l’ont-ils laissé venir se soigner à Cannes tout seul ? Mystère ! Mais il y a une sœur aussi, un peu plus dans le mouvement… Enfin, la loyauté de cet homme-là, c’est de l’or en barre ! Tel que vous le voyez, frêle comme il est, en 70, il s’est engagé, et il s’est battu comme un vieux troupier. »

— « Mais acceptera-t-il ? » reprit la marquise.

— « Je le saurai demain avant de quitter Cannes, du moment qu’en principe vous n’êtes pas hostile à ce choix… Seulement, » ajouta le jeune homme, « il serait plus prudent qu’il fût, dans ce cas-là, invité sur le yacht… »

— « J’en fais mon affaire, » dit miss Marsh. « Mais comment et où le présenter à mon oncle ? Ils ne se connaissent pas… »

— « Ils se connaîtront ce soir même, » répondit Corancez, « et dans le train qui nous ramènera tous à Cannes. Je vais cueillir notre amoureux et je ne le quitte point jusqu’au wagon, d’autant plus, » conclut-il en se levant, « que nous venons de causer ici bien longtemps ; et, quand les murs