Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/403

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était occupée à peindre. Elle copiait une magnifique gerbe d’œillets et de roses, — d’œillets sarranés, teintés de soufre, presque dorés, de roses sanglantes, pourpres, presque noires. Cette harmonie en jaune et en rouge avait séduit son œil épris de couleurs vives. Son pinceau encore inhabile plaquait sur la toile des touches crues, et elle s’obstinait, elle s’appliquait avec une énergie dans la patience égale à celle de son oncle dans l’entreprise ! Pourtant, malgré ses allures si fermes, si décidées, elle était bien femme, et son émotion visible à l’entrée d’Ely le racontait trop : elle avait deviné que la baronne, dont elle évitait la maison depuis ces quelques jours, allait lui parler de Verdier. D’ailleurs, elle ne rusa pas avec son amie, et à la première allusion elle répondit :

— « C’est mon oncle qui vous a dépêchée comme messagère ? Il a eu raison. Ce que je n’ai pas voulu, ce que je n’ai pas pu lui dire à lui, je vous le dirai, à vous. C’est vrai. Je suis brouillée avec M. Verdier, parce qu’on m’a indignement calomniée auprès de lui et qu’il m’a crue coupable. Voilà tout… »

— « On, c’est l’archiduc, n’est-ce pas ? … » demanda Mme de Carlsberg après un silence.

— « Toutes les apparences étaient contre moi, » reprit Florence, sans relever la phrase de la baronne ; « mais quand on a foi dans quelqu’un, les apparences ne sont rien… Ne pensez-vous pas comme moi ? »

— « Je pense que Verdier vous aime, » répondit