Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/405

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pour ne pas lui donner une aussi simple explication ! … Mais s’il vient ici lui-même, sur le bateau de votre oncle, vous supplier de lui pardonner ce qu’il a pensé, plutôt ce qu’il a cru penser ? … S’il fait mieux, s’il vous demande votre main, d’être votre mari et que vous soyez sa femme, lui répondrez-vous non, et que tout est fini entre vous ? »

— « Il ne viendra pas, » dit Florence : « depuis huit jours, il m’aurait écrit, il aurait fait une démarche. Pourquoi me parlez-vous ainsi ? Vous allez m’ôter mon courage ; et, croyez-moi, j’en ai besoin… »

— « Vous êtes encore une enfant, Flossie ! » reprit Ely en l’embrassant ; « vous saurez un jour que l’on n’a pas de courage contre celui qu’on aime et de qui l’on est aimée… Laissez-moi faire. Vous serez fiancés avant ce soir… »

Elle dit ces paroles d’exhortation et d’espérance avec un accent que Florence ne lui connaissait pas. En écoutant la jeune fille raconter le malentendu si léger qui la séparait de Verdier, elle avait eu la sensation plus vive de sa propre misère. Cette querelle des deux amoureux était la brouille d’une enfant, comme elle avait appelé miss Marsh, avec un autre enfant ; et, par comparaison, elle avait pensé à sa rupture à elle, avec Pierre, à ce qu’il y avait entre eux, maintenant, d’amer, de flétri, d’inexpiable. Devant cette jolie fierté de l’Américaine, innocente et calomniée, elle avait senti comme il est dur