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Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/90

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du monde, d’une vengeance de ton mari. Je comprends que tu marches sur tout cela, puisque tu y as marché déjà, pour aller à ton bonheur. Mais tu ne l’auras pas, ce bonheur ! Tu ne peux pas être heureuse dans cet amour avec ce secret sur le cœur. Tu étoufferas de ce silence. Et, si tu parles… Je te connais, tu as dû penser à parler, à tout confesser comme maintenant… Si tu parles… »

— « Si je parle, il ne me reverra jamais, » dit Mme de Carlsberg. « Ah ! sans cette certitude ! … »

— « Eh bien ! Aie du courage jusqu’au bout, » interrompit l’autre, « Tu as eu la force de quitter Cannes huit jours ; tu dois avoir celle de partir tout à fait, ou de lui ordonner de s’en aller… Tu ne seras pas seule ; je serai avec toi ; je te soutiendrai. Tu souffriras ; mais qu’est-ce que cette douleur, si tu penses à cette horrible chose : que tu sois tout pour ce jeune homme, qu’il soit devenu tout pour toi, et qu’il sache que tu as été la maîtresse de son ami ! … »

— « Tu as raison, » dit la baronne d’une voix brisée. « Je l’ai rencontré trop tard… Mais c’est si dur de s’arracher du cœur un vrai sentiment, quand on n’a rien connu depuis des années que des curiosités, des vanités et de la misère, toujours de la misère ! » Puis, amèrement, presque furieusement : « Mais j’en trouverai la force. Je le veux. Je le veux, » répéta-t-elle, et vaincue : « Oh ! quelle pitié qu’une telle vie ! … »

Elle regarda le ciel, en jetant ce cri, d’un regard