Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/107

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la culbute que je venais de faire faire à celui qui voulait me mettre à la porte, en lui disant qu’il n’appartenait pas à un Allemand, à une tête de choucroute, de mettre la main sur un Français.

Voyant que l’homme au demi-espadon m’avait donné raison, je répondis que j’étais décidé à ne sortir qu’au jour, et que je me ferais plutôt tuer par eux que de mourir de froid sur le chemin. Une femme, car il s’en trouvait deux, voulut intervenir pour moi, mais elle reçut l’ordre de se taire, et cet ordre fut accompagné de jurements et des mots les plus sales ; alors, le chef me signifia encore l’ordre de sortir, en me disant de lui éviter le désagrément de mettre la main sur moi, parce que, s’il s’en mêlait, la chose serait bientôt faite, et qu’il m’enverrait coucher où était mon régiment. Je lui demandai pourquoi lui et les siens n’y étaient pas. Il me répondit que cela ne me regardait pas, qu’il n’avait pas de comptes à me rendre, qu’il était chez lui et que je ne pourrais pas rester la nuit avec eux, parce que je les gênais pour aller faire leurs courses en ville et profiter du désordre et du peu de surveillance qu’il y avait aux voitures d’équipage, pour y faire du butin. Je demandai comme une grâce de rester encore un instant pour me chauffer et rajuster ma chaussure, et alors que je sortirais. Mais personne ne m’ayant répondu, je fis une seconde demande ; l’homme au demi-espadon me dit qu’il y consentait, à condition que je sortirais dans une demi-heure. Il chargea un tambour, qui paraissait son second, de l’exécution de l’ordre.

Voulant mettre à profit le peu de temps qui me restait, je demandai si quelqu’un n’avait pas un peu de vivres à me vendre, et surtout de l’eau-de-vie : « Si nous en avions, me répondit-on, nous la garderions pour nous ! »

Cependant la barrique que j’avais vu porter par le Badois, était quelque chose de semblable, car j’avais compris qu’il avait dit, en sa langue, qu’il l’avait prise à une cantinière de son régiment, qui l’avait cachée lorsque l’armée était arrivée en ville. D’après ce langage, je compris que l’individu était un nouveau venu, soldat de la garnison, et associé avec les autres seulement depuis la veille et, comme eux, décidé à quitter son régiment pour faire la guerre au butin.