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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/108

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Le tambour chargé de l’ordre de me faire sortir, et que je voyais causer mystérieusement avec d’autres, me demanda si j’avais de l’or pour des pièces de cinq francs et pour acheter de l’eau-de-vie : « Non, lui dis-je, mais j’ai des pièces de cinq francs ». La femme qui était à côté de moi, la même qui avait voulu prendre ma défense, fit semblant, en se baissant, de chercher quelque chose à terre, du côté de la porte. Alors, s’approchant de moi, elle me dit, de manière à ne pas être entendue : « Sauvez-vous, croyez-moi, ils vous tueront ! Je suis avec eux depuis Viasma, et j’y suis malgré moi. Revenez en force, je vous en prie, demain matin, pour me sauver ! » Je lui demandai quelle était l’autre femme qui était là ; elle me dit que c’était une juive. J’allais lui faire d’autres questions, lorsqu’une voix, partant du fond de la cave, lui ordonna de se taire et lui demanda ce qu’elle me disait. Elle répondit qu’elle m’enseignait où je pourrais trouver de l’eau-de-vie, chez un juif qui restait sur le Marché-Neuf : « Tais-toi, bavarde ! » lui répondit-on. Elle se tut, ensuite elle se retira dans un coin de la cave.

D’après l’avis que cette femme venait de me donner, je vis bien que je ne m’étais pas trompé, et que j’étais dans un vrai coupe-gorge. Aussi je n’attendis pas que l’on me dise de sortir ; je me levai et, faisant semblant de chercher un endroit pour me coucher, je m’approchai de la porte, je l’ouvris et je sortis. L’on me rappela, en me disant que je pouvais rester jusqu’au jour et dormir. Mais, sans leur répondre, je ramassai mon fusil que je trouvai près de la porte, et cherchai une issue afin de pouvoir sortir de l’enfoncement où je me trouvais ; je ne pus en trouver. Alors, craignant de rester longtemps dans cette position, j’allais frapper à la porte de la cave pour demander mon chemin, lorsque le Badois en sortit, probablement pour voir s’il était temps de faire une excursion. Il me demanda encore si je voulais rentrer ; je lui répondis que non, mais je le priai de m’enseigner le chemin pour aller au faubourg. Il me fit signe de le suivre et, longeant plusieurs maisons en ruine, il monta des escaliers. Je le suivis et, lorsque je fus arrivé sur le rempart et sur le chemin, il me fit faire quelques tours sous prétexte de me montrer par où je devais aller ;