Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/335

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remonter, juraient et nous criaient de tuer les juifs. Celui auquel j’avais donné un coup de sabre se sauvait en traversant le canal ; l’autre, qui tenait les chevaux, demandait grâce en disant que c’était la faute de son camarade. Cela n’empêcha pas Pierson d’appliquer quelques coups de plat de sabre à celui qui restait et qui demandait pardon en nous appelant colonel et général.

Pierson, prenant les chevaux par la bride, lui ordonna de descendre afin d’aider nos camarades à remonter. C’est ce qu’il s’empressa de faire ; il en fut récompensé par les coups de poings qu’on lui appliqua avec force. Lorsqu’ils furent remontés, Leboude nous annonça que nous avions acquis de droit le traîneau et les chevaux, car ces deux coquins avaient cherché à nous détruire, afin de s’emparer de ce que nous avions.

Nous ordonnâmes au juif de nous conduire, au grand galop, par le chemin le plus court, afin de rejoindre l’armée, mais il fallut retourner par où nous étions venus.

Arrivés près de la ville, le juif voulait nous y faire entrer sous prétexte de prendre quelque chose chez lui : c’était pour nous livrer aux Cosaques, qui y étaient déjà. Nous lui fîmes sentir la pointe du sabre dans le dos, le menaçâmes de le tuer, s’il faisait encore un pas du côté de la ville. Aussi s’empressa-t-il de tourner à gauche, sur la route que suivait l’armée, dont nous apercevions les derniers traîneaux à une grande distance. Un quart d’heure après, nous les avions rejoints, ensuite nous les dépassâmes en descendant une côte avec rapidité.

Comme j’étais placé sur le derrière du traîneau, le bout du timon de l’un de ceux qui descendaient m’atteignit dans le flanc droit et me jeta sur la neige à plus de six pieds. Je restai sans connaissance. Un fourrier des Mamelucks, qui me connaissait, s’empressa de me relever et de m’asseoir sur la neige[1]. Mes camarades s’empressèrent aussi de venir à mon secours : on pensait que le timon m’était rentré

  1. Le Mameluck qui me releva se nommait Angelis ; il était de la Géorgie ; nous nous étions connus en Espagne ; il était un des Mamelucks que l’Empereur avait ramenés d’Égypte ; quelques-uns seulement de ce beau corps échappèrent aux désastres de cette campagne. (Note de l’auteur.)