Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/336

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dans le corps, mais fort heureusement que mes habillements avaient amorti le coup ; et puis, par bonheur, le bord du timon était garni d’une peau de mouton.

Je fus relevé, et l’on me replaça sur le traîneau : chose étonnante, il n’en résulta pour moi rien de funeste ; seulement, dans la journée, j’eus des vomissements.

Il pouvait être neuf heures lorsque nous arrivâmes dans un grand village ; beaucoup d’hommes y étaient déjà ; nous entrâmes dans une maison, afin de nous y chauffer ; nous laissâmes notre traîneau à la porte, ayant eu la précaution de le décharger de nos bagages et de faire entrer le juif avec nous, dans la crainte qu’il n’enlevât notre équipage.

Les soldats qui étaient à se chauffer nous dirent que, dans le village, on vendait des harengs et du genièvre. Comme ils avaient eu beaucoup de complaisance pour moi et qu’ils avaient tous les pieds plus gelés que les miens, je me décidai à y aller mais, en partant, je leur recommandai d’avoir les yeux sur le traîneau : « Sois tranquille, me dit Pierson, j’en réponds ! » Je partis avec notre juif pour me servir de guide et d’interprète.

Il me conduisit chez un de ses compères, où je trouvai des harengs, du genièvre et des mauvaises galettes de seigle. Pendant que je me chauffais en buvant un verre de genièvre, je m’aperçus que mon guide avait disparu avec un autre juif, avec lequel il causait un instant avant. Voyant qu’il ne rentrait pas, je retournai, avec mes provisions, rejoindre mes amis : mais quel fut mon étonnement, lorsque je fus près de la maison, de n’y plus voir le traîneau à la porte ! Mes camarades, tranquillement à se chauffer, me demandent où sont les provisions ; moi je leur demande où est le traîneau. Ils regardent dans la rue, le traîneau est parti ! Sans dire un mot, je jette les provisions à terre, et, le cœur triste, je vais me coucher sur de la paille, à côté du poêle. Une demi-heure après, on battit le rappel pour le départ, et l’on nous fit savoir qu’à deux petites lieues de là, il y aurait des traîneaux pour tout le monde, afin que l’on pût arriver le même jour à Gumbinnen.

Arrivés à cet endroit, nous y trouvâmes, en effet, une grande quantité de traîneaux et, un instant après, on nous fit partir. Pendant la route, je fus indisposé : le mouvement