Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous avions passée, en entrant dans la rue, était aussi en feu.

Ainsi nous étions pris, non seulement devant et derrière, mais aussi à droite et à gauche, et, au bout d’un instant, partout, ce n’était plus qu’une voûte de feu sous laquelle il fallait passer. Il fut décidé que les voitures passeraient en avant ; nous voulûmes que celle à laquelle étaient attelés les Russes passât la première, et malgré quelques coups de plats de sabre, ils firent des difficultés. L’autre, qui était conduite par nos soldats, se porta en avant et, s’excitant l’un et l’autre, ils franchirent le plus heureusement possible l’endroit le plus dangereux. Voyant cela, nous redoublâmes de coups sur les épaules de nos Russes qui, craignant quelque chose de pire, s’élancèrent en criant : « Houra ! »[1] et passèrent au plus vite, non sans avoir senti la chaleur, et couru de grands dangers, à cause qu’il se trouvait différents meubles qui venaient de rouler dans la rue.

À peine la dernière voiture fut-elle passée, que nous traversâmes la même distance au pas de course : alors nous nous trouvâmes dans un endroit qui formait quatre coins, et quatre rues larges et longues, que nous apercevions tout en feu. Et quoique, pour le moment, il tombât de l’eau en abondance, l’incendie n’en allait pas moins son train, car à chaque instant l’on voyait des habitations et même des rues entières disparaître dans la fumée et dans les décombres.

Il fallait cependant avancer et gagner au plus vite l’endroit où était le régiment, mais nous vîmes avec peine que la chose était impraticable, et qu’il fallait attendre que toute la rue fût réduite en cendres pour avoir un passage libre. Il fut décidé de retourner sur nos pas ; c’est ce que nous fîmes de suite. Arrivés à l’endroit où nous avions passé, les Russes, cette fois, dans la crainte de recevoir une correction, n’hésitèrent pas à passer les premiers, mais, à peine ont-ils parcouru la moitié de l’espace qu’il fallait pour arriver au lieu de sûreté, et au moment où nous allions les suivre dans ce dangereux passage, qu’un bruit épouvantable se fait entendre : c’était le craquement des voûtes et la chute des poutres brûlantes et des toits de fer qui croulaient sur

  1. Houra ! Qui veut dire : En avant ! (Note de l’auteur.)