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la voiture. En un instant, tout fut anéanti, jusqu’aux conducteurs que nous ne cherchâmes plus à revoir, mais nous regrettâmes nos provisions, surtout nos œufs.

Il me serait impossible de dépeindre la situation critique où nous nous trouvions. Nous étions bloqués par le feu et sans aucun moyen de retraite. Heureusement pour nous qu’à l’endroit où étaient les quatre coins des rues, il se trouvait une distance assez grande pour être à l’abri des flammes, de manière à pouvoir attendre qu’une rue fût entièrement brûlée pour nous ouvrir un passage.

Pendant que nous attendions un moment propice pour nous échapper, nous remarquâmes qu’une des maisons qui faisaient le coin d’une rue était la boutique d’un confiseur italien, et, quoique sur le point d’être rôtis, nous pensâmes qu’il serait bon de sauver quelques pots des bonnes choses qui pouvaient s’y trouver, si toutefois il y avait possibilité : la porte était fermée ; au premier étage, une croisée était ouverte ; le hasard nous procura une échelle, mais elle était trop courte ; on la posa sur un tonneau qui se trouvait contre la maison : alors elle fut longue assez pour que nos soldats pussent y arriver et entrer dedans.

Quoiqu’une partie fût déjà en flammes, rien ne les arrêta. Ils ouvrirent la porte, et nous remarquâmes, à notre grande surprise et satisfaction, que rien n’avait été enlevé. Nous y trouvâmes toutes sortes de fruits confits et beaucoup de liqueurs, du sucre en quantité, mais ce qui nous fit le plus grand plaisir, et qui nous étonna le plus, fut trois grands sacs de farine. Notre surprise redoubla en trouvant des pots de moutarde de la rue Saint-André-des-Arts, no 13, à Paris.

Nous nous empressâmes de vider toute la boutique, et nous en fîmes un magasin au milieu de la place où nous étions, en attendant qu’il nous fût possible de faire transporter le tout où était notre compagnie.

Comme il continuait toujours à tomber de l’eau, nous fîmes un abri avec les portes de la maison, et nous établîmes notre bivac, où nous restâmes plus de quatre heures, en attendant qu’un passage fût libre.

Pendant ce temps, nous fîmes des beignets à la confiture, et, lorsque nous pûmes partir, nous emportâmes, sur nos épaules, tout ce qu’il fut possible de prendre. Nous lais-