Page:Boursault - Théâtre, tome troisième, Compagnie des Libraires, 1746.djvu/552

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ESOPE.

Puisque je puis user du pouvoir qu’on me donne,
Je les condamne donc, dussai-je être trahi,
A tâcher de m’aimer autant qu’ils m’ont haï.
A l’égard de leur bien, loin d’y vouloir prétendre,
Je les condamne aussi, Seigneur, à le reprendre :
Si votre ordre contre eux avoit tout son effet,
Leurs enfans souffriroient d’un mal qu’ils n’ont pas fait.
Enfin, je les condamne à n’avoir de leur vie
De l’emploi que j’occupe une imprudente envie :
Un Ministre honnête homme & qui fait son devoir
Est lui-même accablé sous un si grand pouvoir :
Quoiqu’avant le Soleil tous les jours il se leve,
Jusqu’à ce qu’il se couche il n’a ni paix ni tréve ;
Et durant la nuit même attentif à prévoir,
Le repos de l’Etat l’empêche d’en avoir.
Du plus foible parti souffrez que je me range,
Et que ce soit ainsi, Seigneur, que je me venge.
Ils avoient de la joie à causer mon malheur,