Page:Boursault - Théâtre, tome troisième, Compagnie des Libraires, 1746.djvu/553

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Et j’aurois du chagrin si je causois le leur.

CRESUS.

Non, je prétens au moins que leurs biens t’appartiennent.

ESOPE.

Que voulez-vous, Seigneur, que sans biens ils deviennent ?
Être de qualité sans du bien, c’est un sort,
Pour peu qu’on ait de cœur, plus cruel que la mort.
Il suffit qu’à vos yeux je ne sois point coupable.
La vengeance facile est honteuse & blâmable.
C’est un honneur pour moi préférable à leur bien,
De pouvoir me venger & de n’en faire rien.
Tandis que la balance est encor suspendue,
Donnez à vos bontés toute leur étendue.
Les Rois, comme les Dieux, sont faits pour pardonner.

TIRRENE.

Ah ! C’en est trop. Seigneur, quoi qu’on puisse ordonner,
Quelque punition qui suive notre crime,
La plus dure à souffrir est la plus légitime.