publiés ! » Il me fit bien voir que cette phrase était
malheureuse. « J’ai eu mes raisons pour me taire.
Un écrivain, répliqua-t-il assez vertement, n’a rien
à tirer d’une mauvaise conscience.
« Un homme a sa conscience dans ce qu’il écrit.
Et moi j’étais fait pour chercher dans chacun de
mes livres une cachette plus sûre. »
Au fond, c’était ma pensée même qu’il exprimait
là. Mais cela me frappait prodigieusement, venu
d’un homme que je ne comprenais qu’à moitié.
« Je ne peux pas penser à moi, s’écria-t-il, sans
que cette pensée soit un vertige pour l’idée du
monde. Comment voulez-vous qu’un infirme rencontre
la réalité dans une existence dont son imagination
le retranche ? »
En somme, un inadapté, d’après ce que pourrait
en écrire un observateur superficiel ; terme qui ne
le définit pas mais le peint. Sûrement pas un homme
supérieur, un être à part. On ne réussissait qu’à
l’irriter en louant son intelligence. Étranger à la
vie commune, il était devenu une réalité pour les
autres à force de n’être qu’un songe pour lui-même.
C’était Monsieur Sureau qui m’avait dit un jour :
« Mon imagination est la vie d’un certain nombre
de choses et le rêve de toutes les autres. » Persuadés
qu’il avait la tête un peu dérangée, ses héritiers