phase de son amour dans lequel il n’y a qu’une
âme pour celle qu’il aime et pour lui.
Chacun raisonne comme il sait. Moi je me disais :
« Puisque la femme de mon regard est de ce monde,
il n’y a jamais eu que mon amour de réel ; et c’est
lui que je vois dans la créature qu’elle est comme
dans toutes les choses qui sont. Bien sûr, la lumière
de ce monde n’a laissé que moi en dehors de mon
amour, mais l’être que j’aime est une pensée pour
me recueillir. »
C’est dans l’ignorance où chacun est de son cœur
que s’opérait la séparation de l’être et de la pensée.
Nous vivions dans un monde, nous ouvrions les
yeux dans un autre, ce que notre nature tenait ainsi
séparé, il n’y a que l’amour pour venir à bout de
le joindre. Et celui qui sait qu’il aime ouvre des
yeux de lumière dans ses yeux de chair. Toute mon
aventure tient dans ces quelques paroles ; mais il est
certain qu’en elles-mêmes elles ne disent à peu près
rien et ne prêteraient qu’un appui illusoire à la reconstitution
de mon expérience. Il faut se résigner
à la suivre pas à pas, à la faible lumière de la conscience
poétique qui ne nous mène que d’obscurité en
obscurité. Ce sont des idées, au sens où le mot est
employé par les musiciens, ou, pour ceux qui ont la
vue courte, des images par où l’expression de la