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Page:Bousquet - Iris et petite fumée, 1939.djvu/45

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« Mais le monde est trop petit, il faut n’y faire qu’un avec sa peine et se méfier de son esprit sitôt qu’il promulgue autre chose que la loi pure et simple de ce qui est. J’ai tout de même fini par me demander ce que mon amour pouvait tirer d’une âme fermée à elle-même. Et il ne m’a pas été difficile de discerner dans mon aveuglement une façon supérieure de m’escamoter, de ruser avec ce rêve où chaque homme croit s’ensevelir vivant comme j’ai fini par y réussir à mon tour. Car moi aussi je me suis à la longue absorbé dans la tendre nuit de mon cœur.
— Oui, lui dis-je, chacun veut refermer sur lui les paupières de ce qu’il aime.
— Sitôt que je pense à Petite-Fumée, maintenant, il me semble que mon malheur est avant moi dans mon amour ; et que c’est lui seul qui se contemple à travers une lumière attentive, innocente, qui fait de moi le cœur de celui que je suis. Le mensonge, à la fin, s’évanouira du monde où j’épuise toute la douleur possible dans l’acte de me connaître et vous verrez, ajouta-t-il en jetant un regard sur les rideaux abattus devant l’alcôve, vous verrez ce que sera la surprise de vivre le jour où les choses s’ébranleront. »