« Vous expliquez les choses comme il faut : dans
les baisers de ceux qui s’aiment on dirait que le
monde ferme les yeux sur sa nécessité. Ils sont la
joie du monde. Tout est présent parce qu’ils sont
eux. C’est bien ce que j’avais l’intention de vous
exposer. Mais je ne sais pas comme vous, prendre
ce que je dis dans le cœur et dans la tête de celui
à qui je m’adresse ; et c’est une bien mauvaise condition
pour écrire un livre sur l’aimer et le connaître. »
Du temps passa : « Toute la vie est là, disait mon
malade, toute la vie est là et c’est dans cet instant
que son regard me fit peur. Dans le silence angoissé
qui nous sépara, un bruit venait de se faire entendre,
une sorte de résonance floue, difficile à localiser
et qui semblait ne me parvenir qu’à travers le tressaillement
de toutes les choses qui nous entouraient.
On aurait dit que quelque chose avait bougé près
de nous dans de l’inerte, pour y devenir plus
inerte encore. La sensation que j’avais éprouvée
était désagréable, si bien que j’accueillis avec soulagement
les paroles de mon interlocuteur :
« Quand un homme s’approche de son amie et qu’il
la touche, il pense devenir le rêve où il la touche.
C’est comme s’il lui disait en la voyant : « Je suis
un hôte au dedans de mon être sitôt que mon regard