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est toi ». Et si grand que soit le monde, sa vie est prête à le couvrir en entier du moment que ses yeux ne font qu’un avec celle qu’il aime ; il faut bien que son amour l’enveloppe de tout ce qui existe dans ce bonheur de la toucher qui a son cœur partout… Que n’est-elle alors un peu plus réelle, s’écria-t-il soudain, avec un geste hystérique, pesante comme le sang sans vie, plus lourde d’un stylet sous le sein ». Mais devant ma mine ahurie, il se calma et, les yeux ailleurs : « Rien de plus naturel, reprit-il, pour un amant, que de se revêtir dans ses caresses du songe qui les dirige et de n’aller ainsi au fond des choses qu’à travers l’infini où il les a conçues, la conquête de la joie ne tient peut-être à rien d’autre, ajouta-t-il en pensant visiblement à autre chose et les yeux dans un songe où il s’enfonçait sans sa voix.


Et chacun aspire à ne plus se trouver pris entre la vue de ce qui est et une certaine idée innée qu’il avait de la vie et qui lui parlait du bonheur. Mais si c’est une opération naturelle, un homme comme M. Sureau n’y pourrait que vomir M. Sureau. Car je ne vois en lui d’infini que l’horreur d’un tourment réduit à se comprendre et il a approfondi jusqu’à l’écœurement le mystère de la connaissance. Il sait pour son malheur qu’elle est née dans sa vie de la