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vient me voir maintenant, je sens que je pourrais lui dire : « Je suis entre les choses et toi comme le chant qui t’élève sur elles et le cœur qui s’y déchire pour allaiter ce qu’il connaît de ce que tu lui caches. J’ai mis le monde entier, tu entends, comme un matin dans ta douceur de femme, et je n’ai qu’une goutte de mon sang à t’ajouter pour te rendre plus vivante que lui. Un songe de plus pour prolonger la nuit où je l’ai prise — et qui couvrira tout, ajouta-t-il en me dévorant avec ses yeux de fou, même la nuit d’ici ; car ce qui est hors de moi, retour à la cohérence, est en moi le don d’y voir ce que je veux… Ce serait se perdre que d’en trop parler…


« Je suis celui que j’ai trop connu. L’espace était avec moi dans mon être où il s’enfonçait comme un couteau.
« Mon âme en est morte, mes yeux m’en ont déniché une autre. Ce que l’étendue a tué ne se refait qu’avec du jour.
« Il faut rendre à la vie ce qui appartenait à l’espace, à l’espace ce qui appartenait à la vie. »
— Tout cela va plus loin que la pensée d’un homme lui dis-je, et sans doute qu’on ne peut le comprendre qu’à force d’en avoir souffert.
— Mais non. Tout cela est facile au contraire. J’aime une femme et je me nie dans son idée de