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la terreur en macédoine

moutons à prélever, d’autres pour les sacs de blé, d’autres encore pour les fûts de vin.

Marko compte gravement :

« Trente moutons… douze fûts de vin… dix-huit sacs de blé… nous verrons tout à l’heure pour le reste… »

Le malheureux paysan se met à gémir :

« Seigneur !… seigneur, prenez-moi en pitié ! Je suis dans une détresse affreuse !…

« Mes champs ravagés par la grêle… mes vignes gelées… et ce damné lucerdal qui vient de massacrer mon dernier troupeau…

« Je n’ai plus de blé !… plus de vin !… plus de moutons, et je suis le plus indigent de tout Kossovo.

— Pauvre ami ! répond avec compassion Marko, je te crois et je te plains de tout mon cœur.

« Mais ne parle pas des moutons… Hadj a mauvais caractère… il croirait à un reproche et il se fâcherait. Je me passerai donc cette année de blé, de vin et de moutons… il faut bien faire quelque chose pour ses fidèles amis quand ils sont dans la peine. »

Stupéfait et surtout inquiet de cette générosité insolite, le vieillard balbutie :

« Ah ! seigneur, que de reconnaissance pour tant de bonté, et comment pourrai-je m’acquitter jamais envers vous ?

Gravement, de son air moitié figue et moitié raisin, le bandit répond : .

« D’une façon bien simple : en argent !

— En… ar…. en ar… gent !… sanglote le vieillard ; mais… je n’ai pas… une obole… ici…

— Prête l’oreille !… Grégorio… prête l’oreille ! riposte Marko goguenard et menaçant.