Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venir des tyrannies passées, des tortures endurées depuis si longtemps. C’est aussi une clameur de revanche, d’espoir et de délivrance !

Ils empoignent au hasard les fourches et les faux. Ceux qui n’en trouvent pas s’arment de pioches, de bâtons ! Pour un instant Joannès doit les contenir, sous peine de les faire massacrer par les armes à tir rapide. Et puis, il y a les femmes et les jeunes filles enfermées la plupart avec les bandits.

Après un premier moment d’une fureur épouvantable, Marko s’est ressaisi. Il envisage froidement la position et la juge grave.

D’abord, la perte des chevaux est pire qu’un échec, c’est pour le moment un véritable désastre. Elle lui enlève cette mobilité qui fait sa plus grande force. En outre il vient de perdre trois hommes ! Enfin, chose plus grave encore : pour la première fois depuis des temps immémoriaux, les paysans, ces humbles vassaux des hommes de la montagne, ces malheureux serfs taillables à merci, se permettent de résister.

C’est là un fait stupéfiant qui porte une sérieuse atteinte au prestige de ces Albanais indomptés que les Turcs n’ont jamais pu entamer. Pour une fois il est pris au dépourvu. Mais, aussi, qui diable eût songé à cela ! Très calme en apparence, il n’en éprouve pas moins une colère terrible et médite d’épouvantables représailles.

À la rigueur, il pourrait se tirer de ce mauvais pas. Il suffirait de se précipiter en masse sur les assaillants, et de faire une trouée au milieu d’eux. Mais ce serait la fuite, la mort du prestige, la fin de cette crainte séculaire qui fait des paysans la chose des hommes de la montagne. Donc, il faut que Marko