n’y a plus qu’une orbite vide, aplatie, hideuse… Soit hasard, soit volonté du terrible escrimeur, l’œil est crevé !
La lutte recommence et Joannès attaque à son tour. Des coups droits ! rien que ces dangereux coups droits si déconcertants pour les tireurs de sabre. Visiblement, d’ailleurs, cette blessure atroce enlève à Marko la plus grande partie de ses moyens.
Et puis, dans cette âme obscure surgit un sentiment nouveau. La peur ! oui, la peur irraisonnée issue du souvenir des forfaits passés et de l’expiation qu’il sent prochaine.
Il veut néanmoins faire un effort désespéré, tenter d’échapper à cette pointe agile qui menace alternativement sa poitrine et sa face.
Il n’en a pas le temps. Joannès fait une feinte de coup droit, suivie du coup droit au visage, et se fend à fond. Marko arrive trop tard à la parade et pousse une clameur plus effroyable encore que la première : avec la précision d’une balle, la pointe du sabre lui traverse l’œil gauche !
Le pacha lâche son cimeterre, porte convulsivement ses poings à sa face, et rugissant, hurlant, haletant, se laisse tomber sur le sol.
En proie à un de ces accès de rage qui confinent à la démence, il crie d’une voix cassée, qui n’a plus rien d’humain :
« Aveugle !… je suis aveugle !…
« Oh ! sois maudit à jamais… toi qui m’as crevé les yeux ! »
Joannès remet son sabre au fourreau et répond avec une gravité triste :
« Marko, cesse de maudire !