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Page:Boutmy - Des rapports et des limites des études juridiques et des études politiques.djvu/5

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DES RAPPORTS ET DES LIMITES

qu’ailleurs ; bien plus, en faire le sujet d’un enseignement officiel et à la longue privilégié, qui se donne pour l’enseignement type de cette partie de la science.– « Une matière bonne à savoir n’est-elle pas bien placée partout ? Quel inconvénient y a-t-il à soutenir le zèle de l’étudiant par l’attrait d’un grade ? » Voilà les dangereux postulats qu’accordent sans hésitation les esprits qui glanent leurs convictions à la surface des choses. Une investigation plus poussée montre qu’un groupe scientifique naturel est quelque chose d’organique et de vivant, dont les conditions de croissance et de durée ressemblent à celles d’une espèce végétale ou d’une race d’animaux. De même que ceux-ci ont leur station climatérique natale, de même qu’ils dépérissent, lorsqu’on les transporte sur une terre ingrate, ou au milieu d’une faune mieux armée ; de même, un ordre défini de sciences est destiné à s’affaiblir et à dégénérer, lorsqu’on l’introduit dans un milieu adapté à d’autres et puissants modes d’existence. Il n’y a d’exception que si on l’y introduit en masse et en force, avec tous les moyens de résister aux premières influences ambiantes et de créer lui-même son atmosphère à part.

Les considérations, qui précèdent pourraient induire en erreur sur la position de la question. Quelques courtes observations suffiront pour prévenir toute méprise.

Remarquons d’abord que, de la classification normale des sciences, nous cherchons seulement à tirer des lumières, et que notre but est d’arriver à une distribution rationnelle des études. Il ne peut pas être question d’autre chose. Les dénominations « études juridiques et politiques » ne couvrent pas en effet deux groupes scientifiques naturels. Quel est le caractère d’un groupe scientifique ? C’est de porter, dans toutes ses parties, sur une seule matière bien homogène qui n’appartient qu’à lui. Il y a là unité et spécialité de fond, unité et spécialité substantielles. Les groupes « juridique et politique » n’ont pas chacun sa matière définie et distincte ; ils comprennent d’importantes parties communes, et de bons esprits ont pu soutenir que le premier tout entier n’est qu’une province du second. En outre, chaque groupe embrasse plusieurs sujets divers et même disparates qu’on a ramenés parfois d’assez loin et rapprochés, soit dans un intérêt d’éducation, pour donner une certaine ouverture à l’esprit ou un certain tour au jugement, soit en vue des nécessités de certaines carrières. L’homogénéité scientifique, telle qu’on peut l’observer dans les études biologiques par exemple, fait donc ici défaut. La cause finale qui a, de chaque côté, rassemblé et ordonné en un même système des éléments