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LES TYPOGRAPHES. 7

pas d’admirer les ouvrages si purs, si corrects, exécutés avec tant de soin, sortis des mains de ces artistes célèbres. À cette grande époque, que l’on peut appeler l’âge d’or de la typographie, le prote méritait réellement son nom : il était bien le premier en savoir et en science ; c’était bien lui la cheville ouvrière de l’atelier, et tous les compositeurs qui l’entouraient, eux-mêmes lettrés pour la plupart, reconnaissaient sans conteste sa suprématie en même temps que son autorité. Le public de nos jours a, jusqu’à un certain point, conservé au prote cette haute estime, et il confond presque toujours ses attributions avec celles, pourtant distinctes, du correcteur. L’Académie elle-même a commis cette confusion ; car, après avoir défini le prote « celui qui, sous les ordres de l’imprimeur, est chargé de diriger et de conduire tous les travaux, de maintenir l’ordre dans l’établissement et de payer les ouvriers », elle ajoute : « Il se dit aussi de ceux qui lisent et corrigent les épreuves. » N’en déplaise à la docte compagnie, si la première partie de sa définition est exacte, nous récusons complètement la seconde, qui est fausse.

À mesure que l’art déclina pour faire place au métier, à mesure que l’imprimerie descendit au rang des industries, les fonctions se divisèrent : le maître imprimeur passa à l’état de patron, c’est-à-dire de fabricant de livres ; le correcteur devint ce que nous dirons plus loin ; le prote se transforma en ce qu’il est aujourd’hui : un ouvrier actif et intelligent, choisi par le patron pour diriger le travail des compositeurs, ses anciens confrères. « Le prote, dit Momoro, c’est