Page:Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
36 LES TYPOGRAPHES.

Est-ce sortir de notre sujet que de dire un mot du compositeur américain ? Voici une page pleine de verve que M. E. François, délégué à l’Exposition de Philadelphie, consacre au typo du Herald dans son intéressant Rapport :

« Mis en gentleman, un petit panier au bras renfermant son repas, il entre calme et digne dans le composing room, quoiqu’il vienne de franchir la centaine de marches qui séparait l’atelier du sol boueux de la rue. Son premier soin est de déposer son repas dans la glacière ; puis il quitte ses vêtements, y compris la chemise, les accroche au porte-manteau et endosse le tablier que portaient nos pères sur son gilet de flanelle, qui est généralement en coton ; d’un pas tranquille, il va à « sa boîte, » où un « homme de bois » lui a mis de côté sa part de distribution. Il tire de sa poche son tabac à chiquer, le met dans la « mentonnière, » s’assure d’un coup d’œil que le vase bow est à la portée de son jet salivaire, grimpe sur son tabouret, et le voilà parti à distribuer, sans que rien ne l’arrête, jusqu’à l’heure de commencer. Une simple visite au bar, situé dans le basement voisin, n’est pas non plus chose rare, histoire de prendre un drink avec le compagnon.

» Comme la façon du travail ne demande aucun échange de paroles, le compositeur américain peut quitter l’atelier, une fois le journal fini, sans avoir dit un mot. À très peu d’exceptions près, cela se passe ainsi. Les « sortes » n’existent qu’en très petit nombre ; par compensation, elles manquent généralement d’esprit. La « roulance » se pratique sur une