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Page:Boutrais - La Grande Chartreuse (Nouvelle édition refondue et mise à jour), 1930.djvu/32

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L’Arrivée. La Route du Désert.

mier tunnel ; c’est là, à proprement parler, le commencement de la nouvelle route qui jusqu’alors côtoie presque partout, de bien près, l’ancien chemin avec lequel elle se confond même assez souvent. La route actuelle a été construite de 1854 à 1856, sous l’habile direction de M. Eugène Viaud, sous-inspecteur des forêts pour les travaux d’art ; M. Viaud s’est fait moine chez les Bénédictins de Solesmes et est mort à l’abbaye de Sainte-Madeleine de Marseille. La route qu’il traça est certainement très commode et très pittoresque, mais elle n’aura jamais, pour les vrais amateurs du beau, le charme sauvage et mystérieux de l’ancienne, dont on voit parfaitement la place à l’entrée du premier tunnel sur la gauche. À cet endroit, le vieux chemin commençait à monter pour passer au-dessus des pics dans lesquels sont creusés les passages souterrains, et arrivait parfois à des hauteurs effrayantes qui n’étaient point sans danger.

Au temps du R. P. Dom Jérôme Marchand (1588-1594), Dom Louis de Bazemont, prieur de la chartreuse de Val-Profonde[1], se rendait au Chapitre général ; il montait fort tranquillement, lorsque tout à coup son cheval fait un faux pas et glisse par une de ces nombreuses fentes ou couloirs qui bordent la route à chaque instant ; monture et cavalier disparaissent dans l’abîme. La triste nouvelle de l’accident arrive au monastère : vite les serviteurs avec des échelles et des cordes descendent sur les rives du Guiers, ils veulent au moins retrouver le corps de l’infortuné Prieur, et voilà

  1. Dans les environs de Joigny (Yonne).