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Page:Boutrais - La Grande Chartreuse (Nouvelle édition refondue et mise à jour), 1930.djvu/48

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XIe siècle. S. Bruno, fondateur.

et se livrèrent à la contemplation au milieu du silence le plus profond, cachés et comme perdus dans une impénétrable solitude. Bruno, d’après une tradition que le docte Mabillon n’a pas craint d’admettre[1], ne se croyant pas assez seul, s’enfonçait souvent dans l’épaisseur de la forêt pour trouver un endroit plus solitaire encore ; mais il serait difficile d’indiquer, d’une manière précise, où se trouvait cet endroit.

Une des premières préoccupations du saint Évêque de Grenoble fut d’assurer à ses protégés la tranquille possession du désert où ils venaient de se retirer ; en conséquence, il leur abandonna tous ses droits sur la vallée de Chartreuse, et plusieurs seigneurs, à son exemple, firent très volontiers une cession semblable. Voici un fragment de la charte de fondation.

« La sainte et indivisible Trinité nous ayant fait la grâce, dans sa miséricorde, de penser à notre salut ; après avoir considéré ce qu’est notre existence ici-bas et combien cette vie fragile, qui nous échappe malgré nous, se passe sans cesse à offenser Dieu par nos fautes ; nous avons résolu, pauvres esclaves du péché que nous sommes, de nous arracher des mains de la mort éternelle : dans ce but, — afin de n’être point écrasés sous le poids d’amers regrets dans ce monde et dans l’autre, et, aussi, pour ne pas trouver dans les misères de la vie présente rien que le commencement des peines et des douleurs de l’éternité, — nous échangeons

  1. Annal., t. V, p. 203 : « In alium locum maxime horridum secedere consueverat. »