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XIVe siècle. R. P. D. Hélisaire.

lieu de sa cellule, dans le cloître ou ailleurs, et dormait quelques instants ; jamais il ne se couchait dans son lit. Toujours absorbé en Dieu, on le voyait comme ravi hors de lui-même en assistant au chœur ou en chantant la messe. Un dimanche — la veille du Chapitre général — il célébrait le Saint-Sacrifice en présence des Prieurs et de toute la Communauté, lorsqu’il entra en extase à la fin du Credo ; le diacre qui lui présentait le calice, suivant l’usage cartusien, ne put le faire revenir qu’après un certain temps et avec beaucoup de peine. Pareille chose lui arriva encore en chantant la messe du Saint-Esprit, au moment du Pater[1]. »

Le seul désir de ce vrai solitaire était de vivre inconnu. Son parent le Cardinal de Mende lui écrivait fréquemment, et notre Chartreux se contentait de lui répondre deux mots, à de rares intervalles, sur un méchant morceau de papier ou de parchemin. Le Cardinal s’en tint offensé à la fin, et chargea des Prieurs de notre Ordre qu’il rencontra de dire à leur Général que s’il agissait toujours ainsi, il ne lui écrirait plus désormais. Quand on lui fit cette commission, Hélisaire se contenta de répondre : C’est précisément tout ce que je désire[2].

Cet homme si austère, si dur pour lui-même, avait le cœur rempli de la plus tendre charité pour ses religieux. Tous le connaissaient sous le nom de bon Père : aussi, dans la Carte du Chapitre où l’on annonça sa mort — bien que ces sortes de

  1. Brevis Historia.
  2. Dorlandus, op. cit., p. 245.