Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/216

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selon l’esprit de Descartes, relève surtout de l’entendement et se défie de tout ce qui ressemble au mysticisme. Mais en Allemagne la philosophie n’a pas revêtu d’une façon aussi constante la forme rationaliste. À côté de la lignée des Leibnitz, des Kant, des Fichte et des Hegel, qui sont comme les scolastiques de l’Allemagne moderne, il y a la série des philosophes de la croyance, de la religion ou du sentiment : les Hamann, les Herder, les Jacobi, le Schelling théosophe, et l’illustre philosophe chrétien Franz von Baader. Ceux-ci sont, en face de ceux-là, les dissidents mystiques, comme jadis les Eckhart et les Tauler en face du rationalisme thomiste. Et même les philosophes allemands de la réflexion et du concept, les Kant et les Hegel, si l’on considère le fond et l’esprit de leur doctrine, et non la forme sous laquelle ils l’exposent, sont moins exempts de mysticisme et de théosophie qu’il ne semble et qu’ils ne le disent. Car eux aussi placent l’absolu véritable, non dans l’étendue ou dans la pensée, mais dans l’esprit, conçu comme supérieur aux catégories de l’entendement, et eux aussi cherchent à fonder la nature sur cet absolu. Or, si l’on a égard à cette forte empreinte de mysticisme et de théosophie que présentent en Allemagne, non seulement toute une série d’importants systèmes philosophiques, mais même les systèmes classiques par excellence, on ne pourra manquer, recherchant les origines de la philosophie allemande, de donner une grande attention au cordonnier théosophe ; et