Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/420

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de la vie mentale, et tendaient à ne voir, dans l’analyse des sensations et des idées, autre chose qu’une branche de l’histoire naturelle. Par là ils se trouvaient amenés à écarter de plus en plus les questions dont s’occupent d’ordinaire les philosophes, et à mépriser ou à ignorer les métaphysiciens de tous les temps.

Contre cette conception extrême, une réaction se produisit au sein de l’idéologie elle-même. L’axiome de l’école, c’était l’absolue passivité de l’esprit. À cette condition seulement, l’entendement pouvait se ramener à la sensation et celle-ci trouver son explication dans des phénomènes physiologiques. Or, l’idéologue Destutt de Tracy jugea que, seul, le mouvement volontaire, se heurtant à des obstacles étrangers pouvait rendre compte de notre idée des choses extérieures. Qu’était-ce pourtant que ce mouvement volontaire ? Se réduisait-il à une sensation ? Dès 1798, Degérando estime que, si la sensation se transforme en perception, c’est qu’elle est élaborée par l’attention, comme par une action originale de l’esprit. Et Maine de Biran prélude, dès 1803, à sa philosophie de l’effort, en exposant que la perception suppose notre activité volontaire, et, comme telle, est irréductible à la sensation. Bientôt Ampère dégagera, du fonds sensible de l’esprit, la raison, considérée comme faculté d’apercevoir des rapports à la fois nécessaires et réels. Enfin, tout en prétendant rester condillacien, l’ingénieux Laromiguière expliquait la formation de nos idées par l’application des forces actives de