Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/102

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ces conditions se rencontrent, soit dans les lois que posent les partisans de la conservation, soit dans celles que posent les partisans du transformisme.

A quel signe peut-on reconnaître la finalité, et la distinguer de la simple causalité ? Quand des faits passés, rigoureusement observables, suffisent à expliquer entièrement un phénomène, l’explication est causale. Quand les faits passés ne suffisent pas et qu’il faut faire appel à quelque chose qui n’a pas été réalisé, qui n’existe pas encore, qui ne sera peut-être jamais réalisé complètement ou qui ne doit l’être que dans l’avenir, qui, dès lors, apparaît seulement comme possible, l’explication est plus ou moins finaliste.

En général, la doctrine de la fixité des espèces manifeste moins de prétentions philosophiques que la doctrine adverse. Elle se réclame uniquement de l’observation et de l’expérience. Elle consiste essentiellement à affirmer que jusqu’ici nul fait de création ou de fusion des espèces n’a été constaté. Quant à l’explication de cette fixité par l’action de la Providence, elle est plutôt superposée à la doctrine qu’elle n’en fait partie intégrante. Sans doute, l’ordre et l’accord avec le milieu qui se rencontrent dans les espèces peuvent faire penser à une intelligence dirigeante ; mais on peut les affirmer comme faits, sans en rechercher l’explication. On ne saurait surtout attribuer une grande valeur à l’explication que l’on présente, tant qu’on s’en tient à la considération de l’état actuel des choses sans rechercher si cet état peut être étendu indéfiniment au passé et à l’avenir. Or c’est là, à vrai dire, la situation de l’école antitransformiste. Elle s’en tient au fait actuel et ne s’occupe ni des origines ni des possibilités à venir. C’est pourquoi elle ne peut guère donner une portée [98]