Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/103

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philosophique à ses doctrines qu’en en modifiant le caractère et l’esprit. Les croyances finalistes, souvent associées à l’antitransformisme, n’en font pas partie.

Au contraire, le transformisme se présente à nous comme une philosophie grosse de conséquences métaphysiques, religieuses et morales ; il se propose précisément d’expliquer sans hypothèse finaliste l’existence et l’ordre des espèces. C’est donc surtout ce système que nous avons à examiner. Nous avons vu qu’il revêt deux formes principales : le darwinisme et l’évolutionnisme. Examinons d’abord la première en date, laquelle est aussi la plus rigoureuse au point de vue scientifique, le darwinisme.

Le point de départ est la constatation de l’existence des espèces et de leur adaptation au milieu ; mais, au lieu de généraliser ce fait à l’infini, on cherche à l’expliquer, et cela historiquement, par l’action du passé sur le présent, conformément à la loi d’inertie. L’hérédité présente une succession d’êtres relativement semblables entre eux, mais comportant en général quelques légères variations. Ces variations sont considérées comme le point de départ de la diversité actuelle des espèces. Dans l’élevage, l’homme parvient, par l’art et l’intelligence, à modifier les formes animales. La nature accomplit, avec des forces aveugles, ce que l’homme doit à son habileté. La concurrence vitale est dans la nature le substitut de l’intelligence. Par elle se produit mécaniquement une sélection naturelle analogue à la sélection artificielle.

Le darwinisme, sous sa forme précise, restreint certes dans une forte mesure la part de la finalité, car la concurrence vitale sur laquelle il s’appuie résulte de la disproportion du nombre des êtres et des subsistances, [99]