Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/29

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aussi grand que l’on veut. On raisonne de même en un grand nombre de cas, par exemple pour démontrer que la somme de plusieurs nombres impairs consécutifs depuis 1 est égale au carré de leur nombre. Ce raisonnement est une sorte d’induction apodictique. Il y a induction, car la démonstration porte ici tout d’abord sur le particulier, et la généralisation ne vient qu’après. Et l’induction est apodictique, puisqu’elle est étendue à tous les cas possibles. Or, au point de vue logique, il est étrange qu’une généralisation puisse ainsi être conçue comme nécessaire ; et, si l’on est ici obligé d’unir ces deux mots qui se repoussent presque, c’est donc que les mathématiques, non seulement ne sont pas une simple promotion de la logique, mais n’en diffèrent même pas simplement comme la synthèse digère de l’analyse. L’intelligibilité mathématique implique déjà quelque modification de l’intelligibilité logique.

S’il en est ainsi, quelle est l’origine des lois mathématiques ? Si elles étaient connues entièrement a priori, elles présenteraient une parfaite intelligibilité. Or, elles impliquent des éléments impénétrables à la pensée. On est forcé de les admettre ; on ne peut pas dire qu’on les voie clairement découler de la nature fondamentale de l’intelligence. Elles ne peuvent non plus être rapportées à la connaissance a posteriori, car elles ne portent que sur des limites. Or, une limite ne peut être saisie empiriquement, puisque c’est le terme purement idéal vers lequel tend une quantité qui est supposée croître ou décroître indéfiniment. Les lois mathématiques supposent une élaboration très complexe. Elles ne sont nues exclusivement ni a priori ni a posteriori : elles sont une création de l’esprit ; et cette