Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matique. Et l’on s’explique que nulle part le savant ne puisse trouver les conditions de la science exactement réalisées dans les phénomènes.

Reste une dernière question : les lois mécaniques fondent-elles un déterminisme absolu ?

Il est peu d’hommes et même de métaphysiciens qui acceptent comme absolu le déterminisme mécanique. On croit communément que l’homme peut produire des mouvements en conformité avec ses volontés. Dans les pays mêmes où le déterminisme est professé par d’éminents philosophes, tous les éducateurs, tous ceux qui s’adressent à la conscience et prétendent régler la conduite, affirment l’existence du libre arbitre et de son pouvoir sur les choses. C’est ce que nous voyons en Allemagne et aussi en Angleterre. Mais on a plus de peine à démontrer son opinion qu’à s’en persuader.

Comment raisonne-t-on pour écarter la nécessité mécanique ? Le sens commun admet que l’âme peut produire les mouvements ; mais c’est là une pure apparence, qui tient difficilement devant la critique. L’âme, dit on, est une force ; mais on abuse de ce mot. On passe, sans dire de quel droit, de la notion de force morale ou métaphysique à la notion de force mécanique. Si l’âme est une force, au sens où il faut qu’elle le soit pour imprimer du mouvement à un corps, il faut, en vertu du principe d’inertie, qu’elle modifie la quantité de la force là où elle intervient. Mais ceci est étrange en soi, et contraire aux expériences et aux inductions, lesquelles nous montrent la quantité de force comme constante dans la nature. Devra-t-on dire que l’âme annule une quantité de force précisément égale à celle qu’elle produit ? Cette conception ne pourra paraître que tout à fait arbitraire.

On trouve chez les philosophes une explication plus