Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/51

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subtile : l’action de l’âme sur le corps serait réelle, mais métaphysique et non mécanique. Descartes admet que, dans la nature, la quantité de mouvement reste constante, mais que l’âme peut changer la direction du mouvement. Les lois mécaniques restent sauves, puisque, selon Descartes, elles ne déterminent pas la direction et que celle-ci doit venir d’ailleurs. Malgré les objections de Leibniz, lesquelles vraisemblablement ne sont pas décisives, cet expédient, entendu dans des sens plus ou moins compliqués, a été plusieurs fois reproduit. De nos jours, M. Cournot, constatant que la somme de travail nécessaire pour la mise en train d’une machine peut être indéfiniment diminuée, admet un cas limite où ce travail serait nul. Il serait alors remplacé par un pouvoir directeur appartenant, par exemple, aux organismes ou à la pensée. M. Boussinesq admet qu’il existe des cas où l’état initial d’un système ne détermine pas entièrement la marche que doit prendre le phénomène. Il y aurait alors des bifurcations plus ou moins nombreuses, rendant possible l’intervention d’un pouvoir directeur. Ici viendrait se placer l’action attribuée par Claude Bernard à la vie comme idée directrice : la vie ne viole pas les lois mécaniques, mais imprime aux mouvements une direction qu’ils n’auraient pas prise d’eux-mêmes.

Cette théorie très séduisante a été soutenue, on le voit, par des savants de premier ordre. On ne peut dire cependant qu’elle soit parvenue à s’établir. En ce qui concerne le passage à la limite, c’est un expédient qui choque la raison, et qui ne parait pas, en dépit des apparences, autorisé par les mathématiques. Celles-ci ne déclarent a égal à B, en tant que leur différence peut être rendue plus petite que toute quantité donnée, que lorsque a et B sont donnés tous deux comme