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quantités déterminées et fixes. On distingue le juste et le faux emploi de la méthode des limites. Or, si petite que l’on conçoive la force nécessaire à la mise en train d’une machine, cette force est toujours requise et ne devient jamais nulle. Quant aux solutions singulières de M. Boussinesq, elles ont été contestées par d’autres mathématiciens, et il semble téméraire de suspendre l’efficacité du libre arbitre à des spéculations qui ne présentent pas une évidence parfaite.

Mais une distinction importante nous parait dominer toute cette question. Tant qu’avec Descartes et même avec Leibnitz on s’est borné à poser des lois de constance de la quantité en général, une place est nécessairement restée à l’indétermination. La constance peut toujours être assurée de plusieurs manières. Mais, avec Newton, les lois mécaniques éliminent cette part d’indétermination. Ce dernier ne se contente pas d’une loi abstraite. Il détermine la quantité et la direction du mouvement qui, dans chaque cas, doit être réalisé. Il enveloppe la loi de conservation dans une loi concrète qui indique le mode de son application. Dès lors, si le mouvement est modifié, ce ne peut être que par une dérogation formelle à la loi, par un miracle.

Il existe une manière particulièrement métaphysique d’échapper au déterminisme mécanique, c’est, tout en l’admettant pour les phénomènes extérieurs, de rompre le lien qui rattache à ces phénomènes les formes supérieures de l’existence. Une relation nous est donnée entre les mouvements organiques et les états intellectuels. Or, si à chaque pensée correspond un mouvement déterminé et si les mouvements sont liés entre eux nécessairement, il en résulte que les pensées sont, elles aussi, liées entre elles nécessairement. C’est cette dépendance de la pen-