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tous les phénomènes physiques : heat is motion, dit Tyndall. Toutefois les travaux les plus récents des physiciens contemporains dénotent une certaine défiance à l’égard de cette théorie prise sous sa forme précise. On lui reproche de trop porter le savant à raisonner déductivement, et aussi d’être trop métaphysique. Dire que la chaleur est du mouvement, n’est-ce pas se prononcer sur la nature même de la chaleur ? Aussi, M. Lippmmann prend-il soin de substituer à l’expression « théorie mécanique de la chaleur » celle de « thermodynamique », laquelle ne préjuge pas la nature de la chaleur, et de rechercher, non pas l’essence des phénomènes, mais simplement leurs lois. Dès lors, nous devons nous demander si, d’après les conclusions de la science actuelle, il semble y avoir dans la physique quelque élément irréductible à la mécanique, ou bien s’il n’y a, dans l’objet de ces deux sciences, rien de plus qu’une différence de complication et de degré.

Le caractère essentiel d’un phénomène mécanique est la réversibilité. Dans la mécanique abstraite, un mobile qui vient de parcourir le chemin AB, devra, si l’on change le sens du mouvement, repasser exactement par les mêmes positions de B en a. Les conditions de la mécanique abstraite étant sensiblement réalisées dans la mécanique céleste, nous pouvons dire que, si le sens du mouvement d’un astre venait à changer, cet astre repasserait exactement par les mêmes points, et décrirait, par exemple, une ellipse identique. Mais, dans la mécanique concrète, laquelle est déjà de la physique, puisque tout travail engendre de la chaleur, le frottement empêche la réversibilité. Or cette différence est générale : aucun phénomène physique ne peut se reproduire d’une manière identi-