Page:Boutroux - De l’idee de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.djvu/99

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non de l’origine chronologique du phénomène, et c’est de cette dernière qu’il est ici question. Le problème, sans doute, peut être pratiquement insoluble. Mais cela tient à l’insuffisance des données, non à la nature de la question. Toutes les fois qu’il s’agit de faits qui ont pu ou qui auraient pu être observés, c’est affaire au savant de travailler à les découvrir. Donc c’est à la science seule qu’il appartient de résoudre, dans la mesure où il peut l’être, le problème de l’évolution ou de la séparation primitive des espèces. La philosophie n’a pas à intervenir dans la solution de cette question ; mais son rôle est d’examiner quelle est la nature des lois que l’on considère comme présidant soit à la transformation, soit à la permanence des espèces, et de rechercher si ces lois éliminent toute idée métaphysique, ou si elles impliquent, plus ou moins enveloppé, quelque élément irréductible au mécanisme expérimental.

Certaines opinions courantes, touchant cette question, ressemblent fort à des préjugés. En effet, on dit souvent qu’admettre la fixité des espèces, c’est, du même coup, faire appel, pour expliquer la nature, à l’action surnaturelle d’une providence, personnification transcendante de la finalité. En revanche, on déclare souvent que tenir pour la variabilité, c’est répudier par là même toute doctrine de finalité, s’en tenir à la causalité proprement dite, et se conformer au véritable esprit scientifique. Mais il ne semble pas du tout nécessaire que la doctrine de la fixité implique la croyance à la Providence, ni que le transformisme supprime tout principe de finalité. On pourrait même trouver que ces interprétations ont quelque chose d’inattendu. D’une manière générale, n’est-ce pas l’immutabilité qu’on invoque pour montrer que les choses [95]