Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/112

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je me promettais de l’appliquer aussi utilement aux difficultés des autres sciences que j’avais fait à celle de l’algèbre [entendons : l’algèbre appliquée à la géométrie] ». Aussi bien est-il évident, que Descartes ne pouvait manquer d’apercevoir les services qu’était susceptible de rendre le calcul algébrique dans l’étude de la mécanique.

Concluons donc que si l’activité mathématique de Descartes n’a été, en effet, qu’un épisode de sa carrière, il n’en est pas de même de son admiration pour la méthode algébrique. La méthode algébrique, et, par conséquent, l’algèbre même, — puisque l’algèbre pure, considérée en dehors de ces applications, se réduit à une méthode — auraient certainement joué un rôle capital dans l’élaboration de la Mathématique universelle cartésienne, si jamais celle-ci avait vu le jour.


Revenons maintenant aux conséquences qui résultèrent de l’emploi de la nouvelle méthode dans le domaine spécial des Mathématiques. Au point de vue historique, ces conséquences furent considérables. Jusqu’au milieu du xviie siècle, en effet, la démonstration euclidienne n’avait pas cessé d’être considérée comme le type parfait et intangible du raisonnement mathématique. Les algébristes les plus convaincus n’avaient point songé un seul instant à détrôner l’œuvre d’Euclide, mais seulement à l’enrichir d’une technique nouvelle. Au contraire, Descartes met à nu la faiblesse de la Mathématique grecque et il prétend apporter une conception toute nouvelle de la science. Cette conception est une conception synthétiste. En effet l’algèbre, telle que la comprend Descartes, est essentiellement une méthode de combinaison. Son rôle consiste associer des éléments simples, de façon à en former progressive-