Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/118

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attendre ces derniers, et de graves difficultés techniques restaient à vaincre que Descartes n’avait fait qu’effleurer. Aussi arriva-t-il que Newton dut se référer encore à Apollonius, lorsqu’il eut besoin d’approfondir l’étude des sections coniques : il crut nécessaire d’y chercher des secours que la géométrie cartésienne ne paraissait pas en état de lui fournir.

Mais, cette réserve faite, il nous faut constater que la méthode de Descartes répondit bien aux espérances de son auteur et que très vite elle accrut son rendement dans des proportions absolument inconnues auparavant. Une ère nouvelle s’ouvre alors en mathématiques, que M. Zeuthen compare fort justement à l’ère de la grande industrie dans le monde moderne. C’est l’usine succédant au métier. Les résultats obtenus sont si nombreux que la difficulté n’est point de les découvrir, mais bien de faire un choix entre eux et de les classer. La recherche mathématique est devenue, à la lettre, un travail de manufacture.

Voilà ce que, derrière le contenu objectif de l’ouvrage, nous devons surtout remarquer dans la Géométrie. Descartes a eu l’idée très nette que l’emploi des méthodes qu’il proposait devait amener la rénovation complète de la science mathématique. Et, c’est ce qui est arrivé en effet. Descartes a été bon prophète. Il a deviné mieux qu’aucun autre les destinées de la synthèse algébrique. C’est pourquoi, bien qu’il n’ait pas laissé un très gros bagage de découvertes techniques, son nom doit rester le premier parmi ceux des algébristes du xviie siècle.


III. — La synthèse infinitésimale.

Lorsque nous abordons l’étude des conceptions mathématiques qui se développèrent pendant la seconde