Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/125

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voyons intervenir un principe nouveau dont on puisse dire qu’il a révolutionné le cours de la Science. Mais la Mathématique inaugurée par Newton et Leibniz n’était point limitée à ces deux calculs : la partie la plus remarquable et la plus féconde de cette nouvelle mathématique était incontestablement la théorie des développements en série, qui a rendu possible l’étude générale des fonctions. Or, quels sont les caractères propres de cette théorie ? Dans quel esprit, pour quelles fins, a-t-elle été créée ?


Pour comprendre comment est né le calcul des séries, remontons un instant au point de départ de l’algèbre.

L’algèbre, nous l’avons vu, est l’art de combiner des signes littéraux (représentant des grandeurs) au moyen d’opérations connues. En principe ces opérations peuvent être quelconques et arbitrairement définies : toutefois les premiers algébristes ne connaissaient d’autres opérations que celle de l’arithmétique, c’est-à-dire l’addition, la soustraction, la multiplication, la division, l’élévation à une puissance entière et l’extraction d’une racine d’ordre entier. En combinant ces opérations d’une manière quelconque, et les faisant porter sur une ou plusieurs quantités variables et sur des nombres fixes, on obtient une grande variété de « fonctions » d’une ou plusieurs variables. D’ailleurs on peut accroitre le nombre de ces fonctions en utilisant la notion de relation implicite : soit F(x, y) une fonction déjà connue (définie au moyen d’une combinaison d’opérations connues) de x et y : la relation F(x, y) = 0 peut être considérée comme définissant y en fonction implicite de x. Par ce détour, les algébristes obtiennent une riche famille de fonctions d’une variable, d’allures très diverses, que l’on appelle aujourd’hui « fonctions algébri-