Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/137

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vait se poser en ces termes à la fin du xviie siècle, puisque les fonctions étudiées se rattachaient directement à des questions mécaniques concrètes. Au surplus, il est probable qu’aucun mathématicien ne s’est jamais laissé inspirer, dans ses recherches techniques, par une idée semblable.

En résume, c’est Newton qui était dans le vrai — croyons-nous — lorsqu’il a vu dans l’algèbre (analyse) de l’infini telle qu’on la concevait à son époque (c’est-à-dire en tant que méthode de calcul) une suite de l’algèbre du fini. Euler, au xviiie siècle, a adopté le même point de vue. Et Lagrange, dans sa Théorie des fonctions analytiques, affirme d’une manière très nette que l’Analyse n’est qu’une généralisation de l’algèbre élémentaire. « On appelle, dit-il[1], fonction d’une ou plusieurs quantités toute expression de calcul dans laquelle ces quantités entrent d’une manière quelconque. Le mot fonction a été employé par les premiers analystes pour désigner en général les puissances d’une même quantité. Depuis on a étendu la signification de ce mot à toute quantité formée d’une manière quelconque d’une autre quantité. » « Les[2] fonctions représentent les différentes opérations qu’il faut faire sur les quantités connues pour obtenir les valeurs de celles que l’on cherche et elles ne sont proprement que le dernier résultat de ce calcul. »

En d’autres termes, l’Analyse est un calcul comme l’algèbre, et la fonction — qu’elle soit algébrique ou transcendante — est le résultat d’une combinaison d’opérations. « La principale différence des fonctions — a

  1. Théorie des fonctions analytiques, Paris, 1798, p. 1-2.
  2. Leçons sur le calcul des fonctions, 1806, apud Journ. de l’Éc. polytechn., 12e cahier, p. 4.