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position des postulats en leurs éléments[1]. Or, pareille décomposition est manifestement impossible lorsqu’il s’agit de la formation des postulats mathématiques.

Les postulats primordiaux des mathématiques ne comportent point d’éléments. On peut en général les décomposer d’une infinité de manières, en se plaçant à une infinité de points de vue différents, et parmi toutes les décompositions possibles nous n’avons à première vue aucune raison de choisir l’une plutôt que l’autre. Chercher laquelle est la plus « simple » est le plus souvent une question dépourvue de sens. Et, d’ailleurs, ce qui importe au savant lorsqu’il cherche à fixer le point de départ d’une théorie, ce n’est pas que ce point de départ soit simple, mais qu’il soit fécond. Or, par quelle opération logique pourrait-on reconnaître à l’avance qu’un système de postulats nous conduira à des découverts utiles, nous fera pénétrer au cœur de la réalité mathématique ?

En fait, il n’existe pas de théorie algébrique ou géométrique, fondée sur un système donné de postulats, qui permette d’atteindre pleinement ce but, et c’est pourquoi les conceptions de mathématiciens doivent être constamment révisées, modifiées, enrichies. Ces conceptions sont essentiellement indéterminées, et c’est par ce caractère qu’elles s’opposent aux conceptions des logiciens ; car ces dernières, ne s’attachant qu’aux relations et au groupement des choses, supposent nécessairement des éléments fixes combinables ou décomposables, c’est-à-dire des notions rigoureusement déterminées en compréhension et en extension, qui puissent se prêter à des opérations mécaniques. Voilà pourquoi, sans prétendre donner une définition complète et définitive de la Mathématique et de la Logique, nous pouvons en

  1. Cf. Formulaire des Mathématiques, t. IV, Turin, 1903, p. 253.