Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une opération faite à la loupe ? On est obligé de faire appel aux lois de la dioptrique, à la théorie de la dispersion[1]. Que si, pour vérifier une première loi, on voulait utiliser le résultat brut d’une expérience, on devrait apporter à ce résultat une série de corrections, et, pour faire ces corrections, on s’appuierait nécessairement sur des lois non encore vérifiées. « En résumé[2], le physicien ne peut jamais soumettre au contrôle de l’expérience une hypothèse isolée, mais seulement tout un ensemble d’hypothèses ; lorsque l’expérience est en désaccord avec ses prévisions, elle lui apprend que l’une au moins des hypothèses qui constituent cet ensemble est inacceptable et doit être rejetée : mais elle ne lui désigne pas celle qui doit être changée ». De là, Duhem conclut que l’appui de l’expérience ne peut venir en aide au physicien que lorsqu’il a fini de composer son œuvre. Toute la peine jusque là, tout le travail constructeur, incombe à l’Analyse mathématique.

C’est une thèse analogue que soutient M. Bouasse, dans un livre récent[3], où il expose la « méthode de la Physique ». « La Physique, dit M. Bouasse, cherche à reconstruire le monde, à le déduire par voie purement syllogistique d’un principe général une fois admis ». Sitôt, donc, que le principe est trouvé (on l’obtient en tâtonnant, et généralement par hasard), le mathématicien est seul à l’œuvre ; il doit déduire les conséquences du principe, « créer une forme » et en « dévider les propriétés suivant un sorite par nature indéfini », « construire un barème de sorites » ; quant à l’expé-

  1. Ibid., p. 243.
  2. Ibid., p. 307.
  3. De la Méthode dans les Sciences, F. Alcan, 1909, p. 76 et suiv.