Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/279

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l’opposition de deux ordres de vérité. Il n’en est pas moins exact qu’il y a une différence profonde, entre l’ordre dans lequel les vérités se présentent à l’inventeur et l’ordre dans lequel elles sont démonstrativement établies. Ainsi il existe bien un ordre de la découverte distinct de l’ordre logique. Mais les voies de la découverte ne sauraient être regardées comme plus exactement conformes à la réalité que celles de la logique. La découverte, nous l’avons vu, opère par tâtonnements, par coups de sonde, elle use d’expédients et de ruses. Si donc elle ne classe pas d’emblée les faits mathématiques suivant une chaîne déductive, mais recherche d’abord, parmi ces faits, les plus apparents, les plus suggestifs, les plus révélateurs, l’ordre qu’elle suit n’en est pas, pour cela, moins artificiel. Sans doute il est fort important d’étudier l’opposition de cet ordre et de l’ordre logique, car c’est ainsi que l’on est amené à reconnaître indirectement la qualité objective des faits mathématiques ; mais on ne saurait attribuer une valeur propre à l’ordre de la découverte, dont le principal caractère est d’être changeant et éclectique.

Cela admis, on n’aura plus de peine à porter un jugement sur le plan qu’il convient d’adopter dans l’enseignement des mathématiques. Ce plan ne nous étant pas imposé par la nature des faits enseignés, nous restons maître de le déterminer d’après des raisons d’opportunité ou d’après des exigences pédagogiques. Comme les méthodes de découverte, et pour des raisons analogues, l’enseignement trouvera avantage à être éclectique. En effet, l’enseignement doit donner au débutant un aperçu d’une réalité extrêmement complexe et touffue, dans laquelle le savant s’applique à introduire un ordre logique. Or, comment atteindre ce but sinon en employant concurremment des méthodes différentes et en