Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/39

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intellectuels qui caractériseront plus tard la découverte mathématique.

Quelque opinion que l’on ait sur les mérites et l’intérêt de la science orientale[1], on ne pourra point contester, cependant, qu’envisagée du point de vue auquel nous voulons nous placer, l’histoire de la pensée mathématique ne saurait commencer avant l’époque des grandes découvertes helléniques. Les Égyptiens ont connu des faits mathématiques ; ils ont su manier des formules et raisonner sur des figures géométriques ; mais, poursuivant, autant que nous en pouvons juger actuellement, des fins utilitaires et pratiques, ils ne paraissent pas avoir eu une conception distincte de la science théorique, un idéal scientifique. Or peu nous importent les problèmes qui ont suscité, les sources d’où sont sortis, les grands courants de la spéculation mathématique : ces courants ne nous intéressent qu’à partir du moment où ils ont une direction, une orientation systématiques.

Si la question des influences étrangères subies par la science grecque se trouve ainsi — pour le moment — écartée du champ de notre étude, nous rencontrons en revanche certaines difficultés lorsque nous cherchons à retracer la filiation des conceptions mathématiques fondamentales à l’intérieur même du monde hellénique.

Si nous considérons, en effet, la matière de la Mathématique grecque, nous sommes tout d’abord confondus par l’extraordinaire diversité des questions qui y figurent. C’est ainsi qu’à côté des œuvres entièrement achevées des grands arithméticiens et géomètres grecs, nous

  1. Nous ne parlons pas ici de la grande école algébriste de l’Inde, qui a indubitablement exercé une influence sur l’évolution de la pensée mathématique, mais dont l’œuvre est probablement postérieure à l’épanouissement de la science grecque (voir infra, chapitre II).