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tout cas faire usage de la règle et du compas. Partant de là, nous posons en principe que l’existence d’une figure plane sera prouvée (et sera prouvée seulement) si l’on établit qu’il serait possible de construire cette figure en effectuant une série de tracés de droites ou de cercles dont deux points, ou le centre et un point, sont connus. C’est le principe qu’énoncent les traités classiques de géométrie lorsqu’ils enseignent que « l’on réserve le nom de constructions géométriques aux constructions effectuées avec la règle et le compas ».

S’il faut en croire Plutarque[1], cette conception de la « construction » aurait été déjà expressément formulée par Platon, et ce géomètre aurait fait grief à l’école d’Eudoxe d’employer, pour la résolution des problèmes, des instruments et des dispositifs mécaniques autres que la règle et le compas. Quoi qu’il en soit, toutes les constructions planes qui sont spécifiées dans les énoncés des propositions d’Euclide, ou qui interviennent dans la démonstration de ces propositions, sont des constructions s’effectuant « par la droite et le cercle ».

Mais les constructions ainsi définies ne valent que pour la géométrie plane. Quelle seront dans l’espace à trois dimensions les opérations susceptibles de jouer le même rôle fondamental ? Ici apparaît une difficulté : en effet une construction faite dans l’espace à trois dimensions ne peut pas être figurée à l’aide du dessin, représentée par une « figure géométrique » ; sommes-nous alors en droit d’ériger semblable construction en preuve de l’existence de la chose construite ? Cette difficulté explique la répugnance que paraissent avoir eue longtemps les géomètres grecs pour l’étude de la stéréométrie ou géométrie à trois dimensions[2].

  1. Cf. P. Tannery, La géométrie grecque, p. 79.
  2. L’ignorance où nous sommes — écrit Platon (Lois, VII) —