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cul, ou logistique, et l’art des mesures géométriques, ou géodésie.

La logistique — dit un scholie ancien — n’a aucun rapport avec l’arithmétique parce qu’à l’inverse de celle-ci, elle traite des dénombrables et nom des nombres. « Elle[1] ne considère pas ce qui est réellement le nombre, mais suppose ce qui est un comme unité et ce qui est dénombrable comme nombre… Elle examine donc, d’une part, ce qu’Archimède a appelé le problème des bœufs, de l’autre, les nombres mélites et phialites, les uns sur des fioles, les autres sur des troupeaux (ou pommes)… » La logistique est ainsi l’héritière directe de la technique arithmétique de l’Égyptien Ahmes (auteur du plus ancien manuel de calcul connu)[2] où nous trouvons une « Règle pour calculer un champ », une « Règle pour calculer un fruitier rond » sans que l’auteur essaye de ramener l’unité des calculs qui diffèrent seulement par la nature du problème concret auquel ils sont appliqués.

Ce qui est remarquable, c’est que, tout en la jugeant indigne d’occuper l’esprit du vrai savant, les Grecs ne semblent pas avoir condamné comme nous le ferions, cette méthode d’exposition. Un traité d’Arithmétique qui présenterait comme des règles distinctes une même règle de trois sous prétexte qu’elle est d’abord appliquée à un mélange de grains, et ensuite à un mélange de vins, serait jugé par nous détestable car, étant donné notre conception du rôle du calcul, nous ne pouvons accepter qu’une seule méthode d’enseignement : exposer la théo-

  1. Scholie sur le Charmide de Platon, apud P. Tannery, La Géométrie grecque, p. 48.
  2. Manuel composé entre 2000 et 1700 av. J.-C., publié d’après le Papyrus Rhind du Musée britannique par Eisenlohr, Ein mathematisches Handbuch der alten Ægypten, Leipzig, 1877.